CE, 23 mai 2025, n° 476057
Par une décision n° 476057 du 23 mai 2025, le Conseil d’Etat précise les modalités de prise en compte des changements de destination intervenus sur une construction pour apprécier sa destination juridique actuelle : pour être pris en compte, un changement de destination doit (i) soit être intervenu avant le 1er janvier 1977 – date de l’instauration d’un contrôle des destinations (ii) soit avoir été autorisé par une autorisation d’urbanisme.
Une société a déposé une déclaration préalable en vue du changement de destination d’un local commercial en un hébergement hôtelier auprès de la ville de Paris.
La maire de Paris s’est opposée à la déclaration préalable au motif que ce local était en réalité un local d’habitation et que, situé dans un secteur de protection de l’habitation et dans un secteur déficitaire en logement social, il ne pouvait faire l’objet d’un changement de destination en application des dispositions du plan local d’urbanisme.
La société a alors contesté cette décision d’opposition à déclaration préalable devant le juge administratif.
Le Tribunal administratif de Paris, par un jugement n° 2007527 du 15 avril 2022, puis la Cour administrative d’appel de Paris, par un arrêt n° 22PA02756 du 17 mai 2023, ont rejeté la requête de la société.
Saisi du pourvoi, le Conseil d’Etat précise que, pour apprécier la condition de changement de destination, le maire doit prendre en compte la destination initiale du bâtiment ainsi que, le cas échéant, tout changement ultérieur de destination qui a fait l’objet d’une autorisation ou, le cas échéant, qui a été régulièrement opéré antérieurement au 1er janvier 1977, soit à une date où la législation applicable n’imposait pas une autorisation ou une déclaration à cet effet.
Le principe selon lequel, juridiquement, pour apprécier la destination d’une construction existante, il convient de déterminer la destination autorisée et non celle relevant de l’usage effectif du bien, a été dégagé depuis longtemps (v. CE, 12 mai 2012, Commune de Ramatuelle, n° 336263).
En revanche, il s’agit de la première fois, à notre connaissance, que le Conseil d’Etat reconnaît expressément que la destination d’une construction édifiée avant le 1er janvier 1977, date à laquelle un contrôle des destinations a été instauré, doit s’apprécier à l’aune de sa destination initiale ou des changements ultérieurs opérés avant cette date.
Autrement dit, à défaut d’autorisation d’urbanisme délivrée ultérieurement, la destination d’un local édifié avant le 1er janvier 1977 doit s’apprécier au regard de sa destination effective au 31 décembre 1976 et non de sa destination initiale.
Le Conseil d’Etat confirme ainsi l’analyse de la Cour qui, après avoir constaté l’absence d’autorisation d’urbanisme précisant la destination de construction compte tenu de la date d’édification de l’immeuble,
1/ se fonde sur un règlement de copropriété du 7 juin 1951, repris dans le cadre d’une attestation notariée de la vente du local en avril 2019, visant un « grand appartement », pour établir la destination initiale d’habitation du local ;
2/ mais refuse de prendre en considération :
Notons que le Conseil d’Etat avait déjà jugé qu’en cas d’usage initial d’habitation, l’inoccupation pendant de longues années n’étant par elle-même de nature à changer sa destination : CE, 9 décembre 2011, M. Riou, n° 335707 ; CE, 30 juillet 2014, n° 367611.
En définitive, cette décision illustre de manière particulièrement pédagogique l’application des principes dégagés antérieurement par la jurisprudence en matière de destination des constructions.
Elle laisse toutefois de côté certaines problématiques, telles que les changements de destination sans travaux opérés entre le 1er janvier 1977 et le 1er octobre 2007, ou les cas dans lesquels doivent être prises en compte les caractéristiques propres du bâtiment ou les circonstances de fait de l’espèce pour déterminer la destination des constructions.